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MASA 2020 : « Renaissances Africaines » de Zadi Kessy

La sagesse d’un pragmatiste dans « L’Afrique-Monde »

Dans le droit fil du MASA 2020 qui se tiendra autour du thème « L’AfriqueMonde », revenir sur une œuvre, un essai quoique pragmatique dans son essence, n’en demeure pas fondatrice dans son sens et sa quintessence et qui dénote d’une vision assez objective d’une planète mondialisée d’un homme. Marcel Zadi Kessy, dans cet ouvrage-entretien avec Jean-Luc Mouton, journaliste et auteur, partage sa riche, longue et multicarte expérience d’homme tout-court.

Par un simple jeu de hasards, déjà, en 2011, au sortir d’une crise postélectorale traumatisante, Pr Yacouba Konaté, DG du MASA conviait l’intelligentsia africaine à cogiter, à travers un colloque, sur la thématique des renaissances africaines. Une décennie presque, plus tard, il convoque, à nouveau, avec ses pairs du Comité international de la Biennale des arts vivants de l’Afrique et de ses diasporas, l’esprit à projeter l’Afrique dans sa relation au contexte de la mondialisation et de la globalisation des pratiques culturelles et artistiques. Ecrivains, artistes, chercheurs d’Afrique, d’Europe et d’Amérique en novembre-décembre 2011, dans le cadre dudit colloque sur la renaissance africaine, avaient constitué, à en croire Pr Yacouba Konaté, une «masse critique » qui devait permettre de tirer les leçons de la crise ivoirienne et «contribuer à la révision de certains commentaires hâtifs sur la crise postélectorale». «Nous avons tous été partie prenante… Les intellectuels doivent être les premiers à tirer les leçons et éviter les erreurs. Une société qui se veut forte doit identifier les différends. S’il n’y a pas de différends, il n’y a rien à discuter», avait soutenu alors Yacouba Konaté.

Pour en revenir à l’ouvrage dont nous voulons soumettre quelques bonnes feuilles, disons qu’il s’agit du propos d’un sage africain, entre tradition et modernité, pour réconcilier l’Afrique avec son passé et inventer un futur à la mesure de ses immenses ressources. Il s’agit d’amorcer une révolution fondamentale, jeter les bases d’un modèle de développement africain original, respectueux des hommes et de leur culture.

L’objet du livre est d’apporter une contribution à la révolution africaine que l’auteur appelle de ses vœux, une révolution économique, politique, démocratique, morale et spirituelle…

Mais cette révolution doit être individuelle avant d’être collective, plus psychologique que politique, plus intime que sociale, plus culturelle que technique. Elle passe par un changement des rapports au monde, et à l’Occident en particulier…

Essai sur les fondements de cette révolution : le rapport au passé et à la colonisation, la spécificité de l’homme africain, le temps, la fraternité, la responsabilité, la propriété, la démocratie, la morale, la religion, Femmes et Hommes…

Marcel Zadi Kessy est ivoirien. Enfant issu d’un petit village isolé de la forêt tropicale ivoirienne, il était jusqu’à présent l’un des très rares africains à diriger une multinationale européenne. Ingénieur de formation, il présidait des sociétés chargées de la distribution de l’eau et de l’électricité dans plusieurs pays d’Afrique. Il a été président du Conseil économique et social de Côte d’Ivoire.
Mais il n’a cessé, dans le même temps  au cours de sa longue carrière, de se mobiliser pour aider son pays et son peuple à guérir des maux qui l’accablent : sous-développement et pauvreté. Il parvient ainsi à créer un concept, le développement de proximité, qui prend forme dans plusieurs villages. La réussite de ce modèle est maintenant reconnue de toutes parts. Son action, sa réflexion et ses expertises sont aujourd’hui réclamées dans toute l’Afrique.

Nous avons intérêt à nous comprendre, car le devenir de l’Afrique est indissociable de celui de l’Occident : facteurs démographiques, question des ressources, risques de guerre, il est urgent d’agir et de collaborer.

Mais une collaboration efficace, aux bénéfices réciproques, passe par une bonne connaissance de l’autre : ce livre destiné aux africains comme aux occidentaux cherche à ouvrir des espaces de compréhension dédramatisés, des sphères de collaboration féconde ; irrigués de spiritualité et de sagesse. Les propos éclairés de l’auteur passent du particulier au collectif, du personnel au commun, embrassant tous les acteurs de ce théâtre puissant et tentant de leur dessiner une espérance lumineuse. Ainsi sur la notion de développement, il adjoint l’épithète de proximité pour être opératoire.

Zadi Kessy : « L’une des difficultés majeures auxquelles les pays africains sont confrontés dans le processus du développement est, selon moi, de toute évidence, la faible capacité des populations à comprendre, et par conséquent, à partager la vision que les dirigeants et les élites ont du progrès économique et social. De ce fait, les objectifs déterminés et les actions de développement programmées sont mal acceptés voire combattus.

Une autre raison de l’échec des politiques de développement en milieu rural est liée au fait que le pouvoir de décision est resté très centralisé et déconnecté des aspirations profondes des populations. Ainsi, la conception et la mise en œuvre des plans de développement se font, généralement, en dehors des bénéficiaires qui sont très peu impliqués. Mais, la décentralisation du pouvoir de décision n’est pas non plus un chèque en blanc pour se développer. Ce n’est qu’une étape. Il est impossible de réussir dans nos villages, quels qu’ils soient, avec quelque projet que ce soit et aussi utile qu’il soit pour les populations, si l’on ne se donne pas le temps et les moyens de convaincre les chefs et les notables influents des lignages, sous-lignages et clans de la nécessité de conduire ensemble ce projet, d’y impliquer chaque membre de la communauté concernée et d’en revendiquer collectivement le succès. Il est même impérieux, en pareille circonstance, de confier d’importantes responsabilités à certains leaders d’opinion de ces groupes foncièrement conservateurs et jaloux de leur indépendance ».

Après 50 années d’observations, tantôt vibrantes d’espoir, tantôt chargées d’accablement, du cheminement africain, voici enfin que se dessinent –mezzo voce- les pistes d’un changement fondamental du principe relationnel avec l’Afrique ; cela tient en quelques mots : sortir des chemins tracés du colonialisme, et mettre en œuvre une révolution psychologique et culturelle, plus individuelle que collective ;

Vaste programme… mais sans lequel la désespérance sera encore a l’œuvre pour une nation dont les potentiels de bonheur et de croissance sont immenses.

Ces pistes sont consignées dans un petit livre, chargé d’espérance et de pragmatisme, qui découvre les chantiers incontournables :

– accepter et prendre en compte la fraternité et la solidarité, comme moteur du développement

– faire corps avec la dimension religieuse de tout un continent : ne pas la craindre, mais mettre en œuvre ses moteurs puissants

– inventer un modèle politique, à mi-chemin entre le pouvoir ancestral et l’exigence démocratique

– célébrer et accompagner l’évolution des rapports hommes-femmes, l’absence du sentiment de propriété (au sens occidental du terme),

– se concentrer sur la lente éradication des mauvaises pratiques (corruption, clientélisme) héritées de l’histoire

Et surtout, changer le regard de l’Afrique sur l’Occident, et inversement…

REMI COULIBALY

Commentaire (1)

  1. Répondre
    Zadje kessy marcel says:

    Monsieur Zadi kessy Marcel, est un model de réussite pour les jeunes africains et pour mon pays la côte d’Ivoire.j’approuve l’idée qu’il soit à la base d’une telle initiative.

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