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Dynamiques culturelles/Comment un festival peut-il impacter l’essor d’une ville moyenne ?

« Festival sur le Niger » de Ségou (Mali), un exemple (presque) achevé !

Ségou (Mali) et Accra (Ghana) sont les deux premières villes de l’Afrique de l’ouest désignées comme villes créatives. Aux côtés de Nairobi, Kigali, Marrakech ou encore Le Cap, à l’est, au nord et au sud du Continent. Abidjan est sur les tablettes d’Arterial Network, l’un des plus dynamiques réseaux de lobbying culturel d’Afrique, pour y être éligible, notamment par le partenariat qu’Arterial Network a signé avec le MASA. La 11e édition du Marché des Arts du Spectacle d’Abidjan qui se tiendra du 7 au 14 mars 2020, nous donne l’opportunité de sonder et partager ce qui a permis à Ségou (4e  ville en termes de population et d’extension géographique du Mali), a pu, grâce à son festival dit « Sur le Niger », partenaire stratégique et opérationnel, du MASA, a impacté, en 15 éditions, son essor.

 Avec comme chef d’orchestre,  Mamou Daffé, membre influent du Comité Artistique International du MASA qui se réunit, justement, ce 22 mars 2019 à Abidjan, pour défricher les sentiers de la prochaine biennale des arts de la scène de l’Afrique et de ses diasporas. Entrepreneur créatif notoire, expert en gestion d’art et culture, Mamou Daffé lutte pour la culture et le développement local. Il s’intéresse beaucoup aux liens existants entre les sphères culturelles et économiques. En 2005, il a fondé le Festival sur le Niger, un projet visant  à  valoriser  les  expressions  culturelles,  tout  en  stimulant  l’économie  malienne  à travers  l’art.  Le  Festival  sur  le  Niger  a  contribué  à  réunir  des  acteurs  économiques  des communes  et  de  la  région  au  sein  du  Conseil  pour  la  Promotion  de  l’Économie  Locale (CPEL), première expérience en matière de prise en main du développement économique local par les acteurs locaux, créé en 2006. En 2011, il a créé le Centre Culturel Kôrè, un centre de référence sous régionale et l’institut de formation IKAM pour le développement des  métiers  de  l’art  et  le  perfectionnement  des  artistes  et  acteurs  culturels  du  Mali  et d’ailleurs. M. Mamou Daffé est le président de la Fondation Festival sur le Niger et membre du comité de sélection du MASA depuis 2014.

Immersion dans le cœur de Ségou pour en comprendre l’esprit et l’âme qui donnent corps à un festival en lettres capitales.

Ce festival de musiques modernes comme traditionnelles du continent, ainsi que de danses du terroir et d’art dramatique dans l’élan du théâtre dit Koteba, est un exemple réussi d’essor d’une ville par les arts, la culture et le tourisme. La renaissance de Ségou, terre d’histoire et de culture avec son fleuve, le Niger, est racontée. Le Niger ! Ce fleuve d’Afrique occidentale, le troisième du continent par sa longueur après le Nil et le Congo. Il prend sa source en Sierra Leone à 800 m d’altitude au pied des Monts Loma pour, après une grande boucle aux confins du Sahara, se jeter dans l’océan Atlantique, au Nigéria. Son cours traverse ou borde six États (Sierra Leone, Guinée, Mali, Niger, Bénin, Nigeria), parmi lesquels deux portent son nom (Niger et Nigeria). De l’amont vers l’aval, les villes suivantes sont arrosées par le fleuve : Faranah, Kouroussa et Siguiri (Guinée) la capitale du Mali, Bamako, mais aussi Koulikoro, Ségou, Djenné, Mopti, Niafunké, Tombouctou, Gao, Tillabéri, Niamey, Kollo, Say, Gaya, Malanville, Onitsha, Port Harcourt. De sa berge de Ségou, le Niger offre à l’Afrique de se parler par la culture et de s’ouvrir au monde. Aussi un forum de discussion, des expositions d’art et d’artisanat sur le Bogolan (étoffe typique de cette région qui a séduit l’Afrique et le monde), des récits de contes et légendes, des musiques et danses, des spectacles de marionnettes, une foire artisanale, des ateliers manuels… sont-ils au menu du Festival.

Depuis sa création, le Festival sur le Niger a complètement changé le visage de la ville et de l’industrie locale. Manager de profession, propriétaire d’un motel à Ségou et toujours passionné par les arts, Mamou Daffé a lancé en 2005 la première édition du Festival pour monter l’attractivité de la ville. Les 12 premières éditions ont été couronnées par le succès public en s’imposant comme un évènement culturel majeur d’une ampleur sans précédent au Mali et dans la sous-région. Mamou Daffé a failli hypothéquer sa maison familiale pour financer le festival. Le courage au cœur, il n’a pas perdu sa ferveur faisant du Festival du Niger un évènement culturel incontournable au Mali avec le festival au Désert à Tombouctou-dont les activités ont été suspendues depuis 2012 à cause de la crise au Nord du Mali. Mamou Daffé poursuit son engagement aussi grâce à ses partenaires stratégiques que sont la fondation néerlandaise Doen et l’ambassade du Pays Bas qui continuent à soutenir toutes ses activités culturelles à Ségou. Sans compter avec Arterial Network dont il préside aux destinées depuis 2015, ce réseau de la société civile culturelle africaine fort de 5000 membres de toutes les sphères du management culturel et artistique, qui a récemment conclu un partenariat avec le MASA (Marché des Arts du Spectacle d’Abidjan) dont le directeur général, le Pr Yacouba Konaté, est l’un des invités spéciaux du Festival. Selon Mamou Daffé, l’organisation du festival est bénéfique pour l’économie locale. Ainsi, par édition, c’est environ 1,5 milliards de francs Cfa qui sont injectés dans l’économie locale, 150 entreprises locales sont mises à contribution dans l’organisation du festival qui a créé, par exemple, en 2010, 95 emplois directs et 1 858 emplois indirects. Faisant booster le nombre de touristes à Ségou qui a été multiplié par 10, passant de 1 500 touristes en 2004 à 15 000 touristes en 2008. A la base de ce projet, les objectifs visés ont toujours été de : assurer la promotion et participer à la sauvegarde des expressions artistiques et culturelles de la région ; appuyer l’économie locale ; impliquer les populations locales dans un projet commun et susciter des initiatives ; créer une plate-forme internationale d’échanges avec le forum scientifique ; participer à la sauvegarde du fleuve Niger ; faire de Ségou la capitale artistique et culturelle du Mali et de l’Afrique de l’Ouest ; faire du festival un point de rencontre incontournable pour les professionnels de la culture et une référence artistique sur le plan international.

Le festival a eu un impact important sur les mentalités à Ségou. Les ségoviens sont très fiers de l’intérêt que suscite leur ville, son histoire et sa culture. Les habitants portent aujourd’hui d’un seul homme le festival et ils sont en mesure d’en assumer l’organisation. La population s’investit pour les réussites de l’événement et attend avec impatience chaque nouvelle édition. Sur le plan économique, les retombées sont incontestables. L’affluence des festivaliers augmente considérablement l’activité et toute l’économie profite de cette augmentation (hôtels, restaurants, commerçants, vendeurs ambulants, éleveurs, maraîchers, etc.) Un grand nombre d’emplois ont été créés, temporaires ou permanents, directs ou indirects.

REMI COULIBALY

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